Sanctuaire animalier de ZAKOUMA, Safari de la rédemption


CHAD VOLUNTEERS A ZAKOUMA
Photo Joachim Melingui
Au bout du premier petit matin, lorsque les trente trois volontaires réunis par l’association Chad Volunteers entrent dans « l’arche » mise à disposition par l’Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts du Tchad, il est 05h45mn. Cette sélection aléatoire qui réuni des artistes, des bloggeurs, de jeunes médecins, des entrepreneur(e)s et des étudiants d’une moyenne d’âge de 25 ans, ne se doute un seul instant ni du périple qui les attend, ni des émotions qu’ils vont vivre du 22 au 26 janvier 2020.

LE SALAMAT
La Région du salamat se trouve à 700km de la capitale N’Djaména. Le bitume rectiligne et interminable nous fait penser à une piste d’atterrissage qui semble rejoindre l’horizon bleuité au loin. Le paysage de cette fin hivernale est décoré de vastes étendues de champs de mil « pénicilaire » et de « Béré-béré » tracés en damier qui vont remplir les greniers afin de supporter cette saison sèche rude que connaît périodiquement le Tchad. Plus loin, des montagnes sculptées au laser du temps présentent d’énormes pyramides disharmonieuses dont les rochers posés en lego instables donnent l’impression d’une imminente avalanche de pierres. Ces pierres sont ainsi disposées depuis des centaines d’années, nous apprend l’histoire. Ces sculpteurs de « l’âge de la pierre taillée » ont légué à la postérité la magnifique statue de la « femme voilée », AbTouyour à Bitkine et l’extraordinaire succession de montagnes à forme de femme étendue sur le dos, « la Reine du Guéra » dans la ville de Mongo.
Photo Dr Hassan Salehmi
A la sortie Sud-Est de la ville de Mongo, la civilisation et son bitume disparaissent, le réseau téléphonique avec. Coupés de notre monde connu, nous nous dépouillons de nos statuts sociaux au fur et à mesure que « l’arche » traverse les haies des épineux acacias en laissant derrière elle un nuage cotonneux de poussière qui se perd dans l’auréole pourpre du soleil couchant. Le silence prend le relais sur l’enthousiasme des joyeux explorateurs, certains d’entre nous sont déstabilisés par cette immersion en terre inconnue, d’autres cèdent peu à peu à l’appel de la somnolence.

LES PORTES DU SANCTUAIRE
Il est 03h30, l’« arche » vient de s’arrêter devant deux immenses colonnes : les portes du sanctuaire : WELCOME TO ZAKOUMA. La longue et pénible « marche » nous a débarrassés de nos armures sociales, devant ces gigantesques portes du temple du roi Salomon, un nuage d’humilité nous submerge. Le rite du voyage nous a préparés à accéder à Zakouma, ce sanctuaire dans lequel aucune intervention humaine n’interagit afin de laisser la nature continuer son œuvre de création.

Au bout du second petit matin, les « portes » de Zakouma s’ouvrent et « l’arche » pénètre dans le sanctuaire. La première et l’unique consigne que nous recevons est de garder le silence une fois à l’intérieur du parc naturel. Nous serpentons des pistes décorées d’empreintes séchées des habitants des lieux, celles des éléphants sont naturellement perceptibles : énormes, à la queue leu leu, elles indiquent qu’un troupeau est passé par là, profondes et en sabots d’autres nous poussent à deviner que de grandes antilope ont brouté l’herbe sans pesticides de ce bout du monde de paradis. Une heure de temps après moult zigzag qui évitent les grands arbres et contournent les épineux acacia couleur safran, nous arrivons enfin au camp Salamat qui forme avec les camps Tinga et Nomades les seuls points d’hébergement des visiteurs dans le parc naturel de Zakouma.

LA GIRAFE DU KORDOFAN

photo Joachim Melingui

Au bout du troisième petit matin, nous embarquons dans la nouvelle « arche » mise à notre disposition pour une visite autour du camp Salamat. En effet, avec ses 3000km2  de superficie le parc offre une accessibilité limitée pour son hintherland, les visites par routes ne s’éloignent ainsi guère des campements, mais fort heureusement cet état de fait est compensé par la prolifération d’espèces animales et leur regroupement dans les abords des points d’eau. Gracieuse, curieuse, avec ses oreilles en pointe au bout de son immense et interminable cou, une girafe Kordofan est debout au beau milieu de notre chemin. Sa parure caractéristique, aux motifs bruns et noirs nous rappelle l’échiquier de soixante-quatre cases aperçu dans le bagage d’un des trente-trois. Après l’autopsie de ce voisin étrange sur quatre roues transportant des personnages étranges qui font crépiter dans le silence les flahs des appareils photos, elle s’éloigne dodelinant, nonchalamment donnant l’impression qu’elle va se désarticuler et tomber en lambeaux, que non, au loin seul son cou émerge des hauts arbres derrière lesquels elle a disparu. Le parc de Zakouma abrite 50% des girafes Kordofa répertoriées dans le monde. Sur le lit asséché et craquelé d’un étang de saison, à l’ombre d’un épineux, allongée les pattes en avant, une lionne nous observe. Avec l’éléphant, le buffle, le léopard, le rhinocéros, le lion d’Afrique a été classé par Ernest Hemingway dans sa nouvelle « Les Neiges du Kilimandjaro » parmi les animaux les plus difficiles et les plus dangereux à chasser à pied et qui posaient d’énormes problèmes aux chasseurs au vue de leur comportement imprévisible. De nos jours « Big Five » est devenu un terme marketing pour attirer les touristes qui rêvent de safaris photos.

LE MASSACRE DES ELEPHANTS
Photo Fatime Akacha
Au bout du quatrième petit matin, la faune et la flore n’avaient plus de secrets pour les jeunes explorateurs en immersion dans ce bout de terre de paradis du pays de Toumaï : les antilopes-cheval, les antilopes Bubales de Lelweel, les antilopes aux noms imprononçables, en voie de disparition, les sangliers à queue relevée, les grues couronnées, les animaux de troupe, de meutes, solitaires ont vu crépiter les flashs à leur vue. Tous, sauf le rhinocéros et l’éléphant, quel dommage de devoir terminer le safari sans avoir vu un éléphant. Alors que nous étions dans notre morne, quelque peu déçus, direction plein ouest, le pourpre du soleil couchant dans nos yeux, « l’arche » s’immobilise brutalement : la rencontre est frontale. Il est là, au beau milieu de la route, comme sorti de nulle part, déployant ses grandes oreilles, pointant ses petites défenses ivoire vers nous : un éléphant nous apparait dans l’auréole des rayons du soleil qui forment autour de son crâne une couronne de lumière arc-en-ciel. Le choc de la rencontre semble nous avoir transformés en statues de sel, personne ne bouge, même les oiseux du soir semblent s’être terrés, l’on peut entendre le souffle court et les battements de cœur saccadés de son voisin. Cette rencontre a duré une éternité et les mots pour la décrire n’arrivent pas aisément. L’éléphant brise le sortilège lorsqu’il décide de se mouvoir, tout le monde se rue sur appareil photo pour capter la démarche majestueuse de la bête. 
Photo Joachim Melingui
Et dire que nous n’aurions pas pu vivre cette rencontre physique d’un autre genre entre la bête et l’humain. En effet, suites aux événements d’instabilité politique, certaines régions du Tchad se sont retrouvées en situation de non autorité, offrant les 3000km2 aux braconniers venus des pays voisins, principalement du Soudan. Entre mai et août 2006, quatre mille  éléphants ont été braconnés à Zakouma pour alimenter le marché mondial de l’ivoire : 4000 ELEPHANTS !!!! Lorsqu’on sait que chaque femelle a une gestation de 24 mois, environ 02 années, nous sommes en passe de nous interroger si cela n’a pas été un « crime contre l’humanité ». Malgré le détour par le camp Tinga si bien originalement emménagé, la nouvelle du massacre des éléphants trotte dans nos têtes et en « silence » et en chœur nous reviennent les paroles de Bob marley :

HOW LONG SHALL THEY KILL OUR ELEPHANTS
WHILE WE STAND ASIDE AND LOOK ? Ooh !
SOME SAY IT’S JUST A PART OF IT
WE’VE GOT TO FULFILL THE BOOK
WON’T YOU HELP TO VISIT ZAKOUMA
‘CAUSE ALL CHADIANS EVER HAVE :
THIS PARK OF FREEDOM ?

REDEMPTION…SAFARI
REDEMPTION…SAFARI
REDEMPTION…SAFARI
REDEMPTION…SAFARI
REDEMPTION…SAFARI

En 2006, si j'avais pu, j'aurais sauvé tous ces éléphants sacrifiés sur l'autel de notre avide consumérisme, mais hélas à cette époque je n'étais encore QU'UN BLOGUEUR OCCASIONNEL?
Photo Joachim Melingui

  

Commentaires

  1. Genial, la prochaine fois invite nous. Big up

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  2. Bravo Joaillier.un texte qui décrit très bien cet endroit magique

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  3. Le Meling, je ne te connaissais pas aussi très habile avec la langue de Molière !Tu nous a donné l'occasion de vivre ce moment avec vous !

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  4. Bravo Joachim, le texte nous fait vivre ce safari

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  5. Merci Joachim de nous faire profiter de ces moments fantastiques et de nous édifier par la même occasion!

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